Le
Saussinet
n°29
Octobre 2013
10260 - Rumilly-lés-Vaudes
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LES COMTES DE CHAMPAGNE
Là-haut, à l’extrémité
nord-est d’un bien modeste éperon, à l’orée de la forêt, s’élève le
château de Rumilly. Une partie de la population active du village vient
s’agglomérer à ses alentours. En témoigne encore aujourd’hui le lieudit
Les Corvées où, en ce temps-là, devaient habiter les manants désignés
pour le service du seigneur.
Dans la plaine on cultive le sol. Le domaine et le château
sont la propriété des comtes. Au nom de l’un d’eux est attaché le sort
de notre village. Troisième fils de Thibaut Ier, il se nomme Hugues et
prend la charge du comté en 1093. Très pieux et navré de voir la peste
décimer le peuple qu’il aime, guéri d’une difficile blessure, il se
fait le bienfaiteur de nombreux monastères dont celui de Molesme,
au-delà des Riceys. Saint Robert y avait installé ses religieux, sur un
coteau à pentes raides, au-dessus d’une boucle de la Laigne, le
quatrième dimanche de l’Avent 1075. |
le fossé subsiste
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Hugues et Constance sa
femme, qu’animent le même coeur généreux et le commun désir de sauver
leurs âmes, apportent en 1101 à l’église de Molesme l’un, la moitié de
son domaine et l’autre, quatre boeufs.
Hugues promet, s’il n’en dispose autrement, que l’autre
moitié reviendra aux moines après sa mort. Constance, sa femme, fait
don, avec les quatre boeufs, de la terre que ces bêtes sont capables de
cultiver ainsi que la quantité de pré nécessaire à leur nourriture. Les
moines, émus de tant de générosité assurent les donateurs qu’ils les
traiteront à leur mort, avec les mêmes honneurs que les membres de
l’abbaye et ils s’engagent à nourrir à perpétuité deux pauvres à leur
intention.
En 1104, le 2 avril, le comte fait authentifier ses largesses
par les évêques et les abbés réunis en concile à Troyes. Il abandonne
cette fois-ci toute sa terre de Rumilly.
A Molesme, la même année il renouvelle solennellement sa
donation. A l’autel, il tire son anneau du doigt, étend la main droite
et dit :
Moi, Hugues , comte de Champagne et de Brie… fais savoir à
tos mes féaux et fidèles sujets présents et à venir que je donne à
perpétuité le village de Rumilly qui est de mes propres biens et
héritages, avec la seigneurie, justice haute, moyenne et basse, ainsi
que tous les droits que j’ai sur les hommes, les eaux, les bois et les
bêtes, toutefois après mon trépas… Donation que je jure sur les saints
évangiles…
Il se dépouille de tout ce qu’il possède à Rumilly à la
réserve d’un homme : Liébaut, de sa femme et de ses enfants, chargés de
l’accueillir en son château quand il y vient passer une partie de la
belle saison.
Satisfait de cette oeuvre pie mais conscient que cela ne lui
suffira pas pour sauver son âme et surtout désireux d’oublier Constance
dont on l’a forcé à se séparer, il part guerroyer pendant quatre ans au
royaume de Jérusalem contre les Infidèles.
Dès son retour en 1108, avant même d’entrer en Champagne, il
s’arrête à Châtillon et, une fois de plus, confirme l’ensemble des dons
dont il a jugé bon d’enrichir l’abbaye de Molesme. Il offre encore les
serfs et les serves qu’il a à Troyes et qui sont originaires de Rumilly
ainsi que le droit de sauvement qui lui est dû pour la réparation
des murs du château.
Il ne parle pas d’un droit qui disparaît automatiquement avec
lui, le droit d’estagier qui obligeait les vilains à venir battre les
fossés quand la dame attendait un enfant et ce, afin que les
grenouilles ne la gênent pas de leurs coassements.
Finalement il fait ratifier l’ensemble de ses libéralités par son neveu, probable héritier, Thibaut II.
Il se remarie, n’en est pas plus heureux et encore repart, enrôlé dans l’ordre des Templiers.
Et vite, de Molesme, pays raboteux, abrupt, tempétueux, pays
de grand vent et de montées où les mules se défèrrent, les moines
s’installent en cette patrie nouvelle à pentes molles, à promenades
point essoufflantes aux bedaines béates. L’air y ventile doux et la
forêt pare la brise ont écrit les Goncourt.
Ils y créent une vaste et importante exploitation rurale à la
tête de laquelle sont détachés un certain nombre de frères convers
chargés de l’administration.
Cette grange, ainsi appelle-t-on un tel domaine, est en plein
essor quand, en 1164, elle est confiée à Haïce du Plancy de Saint
Pierre de Troyes en gage d’un prêt. Une opération qui sera renouvelée
dix ans plus tard moyennant une somme de 80 livres provinois.
C’est l’époque où Bernard de Clairvaux foule le sol de notre
région. De Fouchères où les chapiteaux du portail de l’église
conservent le souvenir de l’enfant aux membres fracassés restablis par
le saint. Jusqu’à Vaudes où la légende lui attribue la guérison d’une
fille boiteuse et muette de naissance.
Enfin le comte Henri le Libéral offre à l’abbaye sa
contribution à l’oeuvre commune. Il décide qu’aucun de ses hommes,
chevalier, clerc ou sergent ne pourra exiger logement ou nourriture à
Rumilly sauf s’il accompagne le comte ou s’il fait partie d’une troupe
envoyée par lui et il accorde en outre aux hommes de l’abbaye tous
droits d’usage dans ses bois sauf le droit de vente.
C’est là le premier acte connu de la longue histoire de nos droits affouagers.
Le plantain
C’est une plante commune
dont on utilise les graines pour les oiseaux en cage mais aussi dont on
rencontre la représentation qui accompagne certaines sculptures comme
la Mise au tombeau de Chaource et le retable de Rumilly. Dont certains
historiens d’art n’ont pas hésité à dire qu’elle est la ”signature” de
l’auteur des oeuvres du XVIème siècle.
J’entends encore mon grand-père me dire, quand j’avais été
piqué par une ortie ou par un insecte quelconque :” Tu malaxes une
feuille de plantain entre tes doigts et, du jus obtenu, tu en frottes
la partie douloureuse”. L’effet était immédiat. J’use de même sur une
blessure bénigne. Ce n’est donc pas à tort que le plantain est dit “la
plante qui guérit tout”. C’est la plante salvatrice.
Penser que nos sculpteurs ou peintres aient pu introduire ce
symbole dans leurs oeuvres dans l’idée qu’elle puisse contribuer à
sauver l’âme de l’artiste ainsi que celle des fidèles appelés à les
contempler ne semble pas impossible.
PHILIPPE AUGUSTE – SAINT LOUIS – PHILIPPE IV LE BEL
Pendant que les manants
travaillent en paix sous l’autorité et la protection des moines, l’abbé
arrondit ses possessions, cherche à augmenter ses revenus et se défend
contre l’emprise de ses voisins.
Ainsi reçoit-il de Clérembaut IV sire de Chappes, et de sa
femme Guyette, l’aumône de la terre et du fief joignant le chemin des
Écuyers tenus de lui par Adam de Rumilly
Il n’oublie pas, en 1236 de réclamer deux sous à Guyette qui,
tout en lui jurant fidélité, sollicite l’autorisation d’épouser Pierre
de Saint Parre près de Chappes. Cette même année l’évêque de Troyes lui
accorde les novales (dîmes que le clergé perçoit sur les terres
nouvellement défrichées) contre un arpent de pré et une rente
annuelle de trois setiers de froment payables à la saint Rémy.
Il achète en 1239 la mouvance de ce que Jean de Rumilly
possède au village. Cette année là c’est le moine Guillaume qui est
proviseur de la grange de Rumilly ; il a des démêlés avec le curé Rémy
de Saint-Parre : les hommes et les sergents de Molesme sont excommuniés
; cette sentence est rapportée grâce à Nicolas évêque de Troyes.
A quelque temps de là, Richard, seigneur de Montceaux ne
s’avise-t-il pas de juger, pendre et enterrer un homme qui relève de la
justice de Molesme. Christophe, abbé du monastère attaque et gagne :
jugement rendu par Clérembaut de Chappes.
Ce même Clérembaut donne aux Templiers son fief de
Chaussepierre tenu par Ermanjarde, épouse de Thomas de Buxeuil,
celle-ci recevant d’ailleurs de ceux-là 200 livres et 60 sous
provinois.
Le fils de Thomas, Guillaume de Buxeuil dit Le Roy,
chevalier, reçoit lui aussi en 1249, 30 livres et renonce à toute
réclamation au sujet de
ce fief. Ainsi les Templiers arrondissent-ils leur domaine.
Le Commandeur, seigneur de Cères (commune de Monceaux)
s’entend avec l’abbé de Molesme au sujet du pâturage des bestiaux. Il y
a bien longtemps que les Templiers prétendaient avoir le droit de
conduire leurs bêtes dans les pâtures de Rumilly et l’abbé s’y
opposait.
En 1238, ils signent un compromis acceptant chacun de
recevoir en ses prés les animaux de l’autre, le Commandeur s’engageant
à payer annuellement aux religieux de Molesme en leur grange de
Rumilly, 25 sous provinois.
Malgré tous ces arrangements heureux, l’abbé a beaucoup de
mal à conserver l’intégrité d’un domaine somme toute assez éloigné du
couvent. Le comte Thibaut s’était bien engagé en 1232 à en assurer la
protection mais il s’en était emparé. Quelques années plus tard il la
restitue.
Cette même année les moines reçoivent à Rumilly l’évêque de
Troyes. Obsédés par cette idée de ne pas avoir à aliéner quoi que ce
soit de leurs prérogatives, ils exigent de lui qu’il reconnaisse ne pas
se prévaloir de cette visite pour prétendre par la suite à un véritable
droit.
Nos vieux mots
gargou.lli : Flaque d’eau boueuse
gâtiau : Gâteau
gangan : Sorcière
guêler : Rôder, fureter
gueulri : Goulot de bouteille
gailvauder : Flâner, marauder
gailvaudeu : Celui qui gailvaude
guénander : Quêter des oeufs de Pâques
geigner : Pencher Un mur qui gueigne
guinde : Véhicule à roues
guindrèle : Jeune fille peu sérieuse
glaine : Poignée de céréales couchées au sol
glainer : ramasser les épis tombés au sol
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glinche : Glissade sur la glace
glincher : Glisser sur la glace
glingloter : Se dit du bruit d’une graine dans son alvéole
glain.ner : Glaner
glui : Paille de seigle
goda.lleu : Celui qui boit beaucoup
godèle : vache
godin : Veau mâle
godo : Gobelet
gog.nète : Narcisse
gô.llées : Se dit des céréales
gô.llie : Poussière
gômer : Être long à...
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au Café-Restaurant du Manoir à Rumilly-lés-Vaudes
et sur le site internet :
http://jean.daunay.free.fr