Le Saussinet

n°39

Août 2014

10260 - Rumilly-lés-Vaudes



L’affouage, le procès

Voilà l’histoire des affouages à Rumilly, pour essayer de cerner ce phénomène à la fois si ancien et encore tellement actuel que sont les affouages.Un droit, à l’origine personnalisé.
À l’origine des affouages sont les droits d’usage en forêt c’est à dire le droit d’y prendre bois à brûler, bois à bâtir, le droit aussi d’y mener paître certains animaux.
Nous allons voir, au travers des faits que nous allons évoquer, montrer comment ce phénomène d’affouage est à la fois un phénomène individuel puis social donc communautaire.

C’est un droit individuel accordé à chaque affouagiste, plus exactement, chez nous, à chaque chef de famille nommément désigné.
C’est aussi un droit qui intéresse toute une communauté, qui concerne tout un groupement d’individus considérés dans leur ensemble, en un lieu déterminé, ayant ensemble une même vocation.
Cette vocation étant :
     - celle, autrefois, d’exploiter la terre du seigneur,
     - celle, aujourd’hui, de gérer en commun les services collectifs et d’assurer une communauté de vie.
Cette dualité du phénomène est parfois mal comprise et l’on entend encore discuter de la finalité des affouages. Le droit d’affouage a-t-il été accordé (ou toléré) pour que chaque habitant jouisse individuellement d’un revenu affouager ou bien ce revenu doit-il assurer le bien-être communautaire ? Ce à quoi il faut répondre : c’est à la communauté de juger de la répartition et de l’emploi de ces revenus ; il semble que ce soit aussi ce que dit le code forestier.

Affouage en forêt

Et c’est aussi ce que démontre l’histoire des affouages à Rumilly avec l’intervention, tour à tour :
     - des habitants bénéficiaires (usurpateurs parfois),
     - du pouvoir de l’administration,
     - et aussi des décisions de justice.

Pour comprendre les affouages en forêt de Rumilly, il faut savoir que, sur 4400 ha du territoire il en existe moitié en bois et forêt. Il faut aussi savoir que notre village était autrefois la propriété par moitié du comte de champagne, l’autre moitié revenant à l’abbé de Molesme. D’où l’existence en forêt de deux cantons, celui du Bois l'Abbé et celui du Bois le Roy, le roi ayant, pris la suite du comte de Champagne.


Bois l’Abbé en bleu, Bois le Roi en jaune

Venons-en donc aux premiers actes connus qui concernent les droits d’usage en notre forêt.
Passons rapidement sur la donation de la terre de Rumilly par Hugues aux abbés de Molesme en 1101 et 1104 ainsi que sur le contrat de pariage de 1250 qui partagea les revenus de notre village entre ces deux seigneurs.
Il y est mentionné qu’il s’agit bien de Rumilly “avec la seigneurie, la justice haute, moyenne et basse avec tous les droits... sur les hommes, les bois et les bêtes.” Je souligne : tous les droits sur les bois.
De ci, de là, il existe confirmation de ces droits que le comte de Champagne avait de tous temps accordés aux hommes qui vivaient sur ses terres afin, répétons-le, de se les attacher, de les inciter à se fixer sur ses propriétés.
Henri, dit le Libéral, octroie aux hommes que l’abbaye a dans les trois villages de Vaudes, Courgelaines et Rumilly, tous les droits d’usage dans les bois sauf le droit de vente. C’est une extension aux hommes de Molesme des facilités accordées à ceux de Rumilly.
En 1220, Blanche, comtesse de Champagne, accorde au prieur de Fouchères de prendre “tous les jours une voiture de bois mort pour brûler et le bois vif nécessaire à la construction de son prieuré.”
En 1250, lors de l’établissement du contrat de pariage, il est bien stipulé que “les gardes (des bois) seront nommés et agréés par les deux parties et qu’aucun des deux (l’abbé ou le comte) ne pourra vendre sans le consentement de l’autre.”
Sans qu’on puisse exactement donner la référence de cette affirmation, il a été dit qu’en 1268, le comte de champagne aurait confirmé par une charte, les droits d’usage des habitants de Rumilly dans sa forêt.
À la suite des lettres patentes du roi Charles VI, les habitants sont de nouveau autorisés à prendre du bois et à laisser paître leurs bêtes en forêt. Cela prouve qu’ils ont été un certain temps privés de ce droit. Nous n’en connaissons pas la raison. Probablement de mauvais usages, des “mésus” comme on disait alors, aux dépens du roi...

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