Le Saussinet

n°40

Septembre 2014

10260 - Rumilly-lés-Vaudes



Affouage, gain de cause (suite du n°39)...

La sentence rendue en 1414 à la suite de ces lettres patentes précise que ces droits d’usage consistent “pour les habitants de Rumilly et leurs successeurs à toujours, dans le droit de prendre les bois appartenant au roi et aux religieux de Molesme :
    - mort-bois comme charme, tremble, béhourds, épine et autres
bois non portant fruits ni paissons,
    - bois mort comme chêne, faug et tous autres bois qui chus seraient ès dits bois d’usage, en tous lieux et toutes saisons et iceux porter à col, à charrette et harnais en leur maison et ailleurs...
    - de couper, abattre, prendre et emmener comme dit est, en tous temps, bois vif ; c’est à savoir chêne, faug, tant qu’il leur en faudra pour édifier de nouveau, retenir et maintenir leurs maisons, granges et autres édifices...”
Remarquons ce dernier paragraphe qui indique nettement la volonté du roi de fixer, à Rumilly, les sujets qu’il autorise ainsi, qu’il engage même, à construire.
Charles VI déclare maintenir, lui aussi, les habitants dans leurs droits en la forêt commune.

Du droit individuel à la revendication collective.


Brouette à cornes

En 1520, juste avant que ne fussent construits le manoir de Pierre Pion et l’église Saint-Martin, les habitants de Rumilly et les religieux s’opposent à la vente par le roi de 600 arpents de bois.
Pour la première fois semble-t-il, les habitants forment bloc et affirment leur solidarité. Un troisième quasi-propriétaire se reconnaît-là ; il s’agit de la Communauté des habitants : un propriétaire en fait sinon en titre, qui abusait parfois de la situation pour avoir provoqué cette ordonnance du 22 septembre 1540 qui demandait aux usagers ; “de faire chacun, une déclaration des bêtes : vaches et porcs qui allaient pacager dans les bois afin de prévenir la fraude et empêcher qu’on ne conduise dans les bois des bêtes des pays voisins.”
En 1636, c’est bien un troisième partenaire qui s’impose : il ne s’agit plus seulement d’usagers individuels mais d’un groupe d’usagers à qui l’on abandonne, en pleine propriété, 1300 arpents moyennant renonciation sur le reste de la forêt.
    - 380 arpents pour la paroisse de Rumilly
    - 100 à Saint-Parres
    - 182 à Montceaux
    - 358 à Lantages.

Mais les esprits n’étaient pas mûrs pour une telle solution. Un arrêté du Conseil d’état de mai 1664 remet les parties dans l’état où elles étaient auparavant, Il renvoie les communes dans l’exercice de leurs droits d’usage. Peut-être parce qu’elles n’avaient pas été capables de prendre en charge l’administration des parts leur revenant. Peut-être aussi par la faute de l’administration si l’on en croit les textes d’un procès qui commence et dont le mémoire comprend ce paragraphe. Les habitants de Rumilly “par l’abus de la force matérielle et de la puissance même qui doit les protéger, empêchés par mille obstacles sans cesse renaissants d’entrer en possession de la pleine propriété de cette faible partie d’une immense forêt...”

Le procès qui allait durer.


Tue-bois

En 1760, une requête est formulée par les habitants de Rumilly, représentés par Nicolas Talon, ayant pour but de recouvrer la jouissance des droits d’usage.
À la suite d’une délibération du 18 floréal an III (7 mai 1795) réclamant à nouveau l’autorisation d’exercer le droit d’affouage, une sentence arbitrale est rendue qui donne gain de cause à la commune.
Voici une partie de la demande : “Ce jourd’hui 18 floréal l’an trois de la République française une et indivisible, la commune assemblée, il a été proposé qu’il était urgent d’envoyer à Paris auprès du Comité d’Agriculture à l’effet d’obtenir la permission de couper les usages de Rumilly-les-Vaudes et Saint-Parres-les-Vaudes.
Il a été unanimement arrêté d’y envoyer les citoyens Joseph Vuibert et Charles Balson avec une pétition et munis des titres et sentences nécessaires pour prouver nos droits.”

Gain de cause obtenu...
Mais, dès 1830, l’état, par l’intervention de Nicole, huissier à Bar-sur-Seine, signifie à la commune, une demande de nullité de la sentence de l’an III.
Et cette sentence est en effet annulée par un jugement du tribunal de Bar, le 27 juin 1831...

Rumilly, immédiatement, réagit...
Sa pétition envisage entre autres : “la nécessité de recourir à l’autorité administrative pour se défendre contre une prétention de la Direction générale des Forêts qui tend rien que moins à la priver d’un trait de plume... des droits qui appartiennent à ladite commune depuis près de 600 ans, droits pour lesquels elle lutte contre l’état depuis des siècles.”
La révolution de 1848 apporte un peu d’espoir. “Au moment où le jour de la liberté se lève sur la France, la commune de Rumilly-les-Vaudes ose espérer que cette liberté ne restera pas illusoire pour elle.
Ramasser le bois mort et tombé qui se pourrit, cueillir une herbe surabondante, dégager les bois de la bruyère et autres plantes parasites qui l’étouffent. Voilà, monsieur le Directeur général (des Eaux et forêts) à quoi se bornent les réclamations d’une population pauvre qui s’offre à prouver qu’elle a toujours joui, et que l’oppression dont elle gémit est d’une date toute récente. Vers qui étendra-t-elle ses bras sinon vers les libérateurs du peuple ?”...

Suite au n° 41


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