Le Saussinet

n°43

Janvier 2015

10260 - Rumilly-lés-Vaudes


Les gargouilles de l’église Saint-Martin : 2°partie

Tout alentour de l’église.

Afin d’apprécier la diversité des ces gargouilles, pour goûter le soin avec lequel elles ont été conçues et travaillées, attachons-nous à les détailler toutes, qu’elles soient situées au niveau bas qui est à l’étage des toitures des chapelles latérales ou qu’elles recueillent les eaux des grandes voûtes de la nef ou du transept.

En la façade ouest, outre celle dont nous avons évoqué la figure humaine, deux autres gargouilles dominent le portail, à hauteur de la première balustrade (ou de ce qu’il en reste), l’une à gueule fortement dentée, aux yeux saillants et sourcils proéminents, portant cornes et barbichette, l’autre au cou bouclé ; elles enserrent l’une et l’autre entre leurs pattes, une sorte d’animal serpentiforme.

Deux autres, juchées à l’étage supérieur, jaillissent de la tour du clocher. Leurs ailes sont fort mutilées ; l’une bloque sous ses griffes les armes du curé Colet, la seconde arbore barbichette et sexe. Sur le côté nord de cette même tour on devine encore, entre les pattes de la gargouille inférieure l’écusson de Jean Colet alors que l’autre offre à notre regard pudique, attributs mâles et queue bifide. De ces deux gargouilles il ne reste que le tronc.

Poursuivons notre quête, nous dirigeant sur notre gauche. Deux autres gargouilles, à deux niveaux différents, nous offrent l’une un animal pourvu d’oreilles saillantes et de sourcils accentués, avec deux ailes puissamment stylisées, la queue entre les pattes, tandis que la seconde, à l’étage supérieur, dont la poitrine est couverte d’écailles, dont les ailes sont aussi écailleuses, abrite entre ses pattes un tout jeune enfant qui la tient par la queue. Elle soutient par un ruban noué sur le côté, un écu portant chevron et oeillets.

A l’ouest du transept surgit un oiseau rapace, bec crochu, apparemment campé sur quatre pattes. Comme l’est aussi cet animal au-dessus de lui, narines enfoncées, oreilles largement creusée, long cou marqué de huit sillons.

A gauche, toujours en regardant le transept, c’est une chèvre (un bouc) qui nous toise, barbichette agressive, crinière hérissée, longs poils, la seule à montrer des pieds fourchus, véritable démon affreusement sexué. La chimère qui est au-dessus ressemble à celle qui, du transept déborde au même niveau ; ses ailes à six pennes sont stylisées à l’extrême, son cou est garni de huit boutons ornementaux, ses griffes sont noueuses et puissantes.

La dernière gargouille, côté sud, est aussi très belle. C’est un animal au museau fin et allongé abondamment denté ; sa barbiche s’oppose aux tortillons de sa crinière ; ses ailes sont particulièrement fouillées, sortes de feuilles évasées et recroquevillées ; son sexe est apparent.

Du côté de l’abside, il n’en est qu’une, malheureusement étêtée, qui soit entièrement travaillée.
Il lui manque la partie supérieure du corps ; n’en restent que la poitrine, quatre pattes à trois doigts et le sexe.

La suite de notre visite nous décevra peut-être. Une tête d’animal, gueule ouverte bien entendu, pommettes saillantes, prolongeant un simple conduit prismatique allant en s’amenuisant vers l’extérieur. Une tête à collier, à laquelle aboutit un conduit légèrement déporté vers la droite. Une amorce ensuite, de gouttière trapézoïdale.

Du côté sud, une tête grimaçante, à la chinoise. Deux conduits en arc de cercle contrariés dont les têtes ont été cassées. Une tête de poisson aux larges bajoues, dont la mâchoire inférieure est traitée en entonnoir. Des gargouilles enfin, simplifiées à l’extrême, dont le conduit n’est plus trapézoïdal mais demi cylindrique.

Pour terminer notre périple, avant de retrouver au sud-ouest, une gargouille travaillée, animal fantastique, ailé, poilu, barbiché, au museau abominable, tenant entre ses griffes l’incontournable écusson de Jean Colet, levons les yeux vers une curieuse composition stylisée à l’extrême dans laquelle on devine un animal aux pattes de devant sans doigts, collées au corps, avec une tête si lisse qu’on n’y distingue guère que les oreilles, sorte de transition sculpturale entre les gargouilles utilitaires du sud et celles qui ont été puissamment conçues pour le plaisir des yeux et, probablement, pour les symboles qu’elles incarnent.

Fabuleuses et grotesques, captivantes et attachantes sont les gargouilles de l’église Saint-Martin de Rumilly-lés-Vaudes.

Notes :

- Rappelons que l’incendie du 22 germinal an VI est responsable de la plupart des dégâts que nous déplorons autour de l’église.

- Florian Meunier, conservateur en chef du musée Carnavalet à Paris, souligne que les petites gargouilles du portail, à hauteur des têtes de l’Annonciation, seraient du XIXe siècle. Pourrions-nous penser alors, que ces gargouilles ont été reprises (changées ?) lors de la restauration de la rosace.


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