Le Saussinet n°44 Février 2015 10260 - Rumilly-lés-Vaudes |
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L’étrange affaire du maître de Chaource
Chaource le grand... Rumilly le suit !
Bien que ces deux oeuvres traitent du même sujet, la mise au tombeau de l’église Saint Jean Baptiste de Chaource et le retable de Rumilly diffèrent dans leur conception et par là en la perception qu’en peuvent recevoir ceux qui les viennent admirer.
Elles ont toutes deux été sculptées au XVIème siècle, en 1515 à Chaource et en 1533 à Rumilly mais elles diffèrent notamment par le nombre de personnages qu’elles offrent aux regards des nombreux touristes qui les viennent régulièrement visiter.
Huit personnes à Chaource, grandeur nature, comme on aurait pu les rencontrer à l’époque où vécut le Christ, témoins de son inhumation.
Quelques soixante-dix figurants occupent à Rumilly en divers tableaux, de l’arrestation du condamné jusqu’à sa mise en croix.
La pierre nue à Chaource intensifie le lugubre climat de l’instant, la couleur à Rumilly, comme une bande dessinée du XXIème siècle, permet de mieux appréhender l’instant du drame.
Une même approche unit ces deux oeuvres ; leur interprétation permet de les différencier. Que dire en exemple des sentiments qu’ont tenu à exprimer les deux auteurs ?
A Rumilly comme à Chaource, la peine des Saintes Femmes et de Saint Jean est nettement perceptible : yeux baissés, lèvres closes, plus statique à Chaource, plus ressentie à Rumilly du fait de la posture des personnages.
Sur le retable de Jean Colet, la multiplicité des statuettes a permis à l’artiste d’introduire les émotions plurielles qui se lisent d’après l’attitude de chacune de celles-ci : l’indifférence d’Hérode, la compassion de Véronique qui tend vers le Christ le voile de sa chevelure, la douleur de la femme qui lève les yeux vers le ciel et la pamoison de la Vierge qui s’affaisse, la question que pose ce groupe qui se concerte sous la croix du mauvais larron, les respectueux regards de Jean Colet, de saint Jean son patron et des soldats qui assistent à la résurrection, contrastant avec l’indifférence physique de l’arbalétrier qui ronfle au pied du tombeau.
Amadis Jamyn , contemporain et ami de Ronsard est né à Chaource. Claude Colet le petit frère de Jean Colet le connaissait, le fréquentait et osait signer ses oeuvres de l’anagramme Daluce Locet, imitant en une fantaisie qui ne devait pas en être une à cette époque, son grand frère Jean celui qui de son nom Johanes Coletus avait tiré sa devise : « Souvent à conseil » et sa prière « Nos evincla theos » (Ô Dieu délivrez-nous).
Deux oeuvres sculptées dans la pierre qui traitent du même sujet, deux auteurs dont les poèmes sont de la même veine. La collusion intellectuelle entre Rumilly et Chaource parait alors évidente.
Bien que séparées par une forêt dense nos deux cités ont vécu le seizième siècle avec la même intensité, les deux oeuvres que sont le Sépulcre à Chaource et le Retable de Rumilly, les oeuvres d’Amadis Jamyn et de Claude Colet sont là pour le confirmer.
Claude Colet. Sur un tableau représentant l’enfer En ce palud et horrible manoir N’est Cordelier ni moyne blanc ou noir On s’en estone et le peintre répond S’il y en a mais on ne peut les voir Parce qu’ils sont mussés au plus profond.
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Amadis Jamyn Si la beauté périt, ne l’épargne Maîtresse, Tandis que fleurit en sa jeune vigueur : Crois-moi je te supplie, devant que la vieillesse Te sillonne le front, fais plaisir de ta fleur.
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