Nous avons l’intuition qu’en notre manoir, tout parle à ceux qui savent. Il est probablement plus riche encore que nous le pensons de tous ces signes dont nous essayons en vain de percer le sens profond mais dont nous sommes heureux de savoir qu’ils existent

Si notre escalier aux si larges marches n’égale pas en renom celui de Saint-Gilles-du-Gard, si la charpente en carene de vaisseau renversé de notre grenier et celles des tourelles n’attirent pas les Compagnons comme la charpente de la grande salle de l’Hôtel-Dieu de Beaune, il est certainement possible de trouver parmi toutes les sculptures et dans le plan même de l’édifice, maints détails qui mériteraient que les Compagnons modernes portent plus d’attention au manoir des Tourelles de Rumilly.

Leurs confrères du XVIème siècle ont construit là une demeure, sinon exceptionnelle, tout au moins remarquable et digne d’intérêt, un monument complet en lui-même, dont les moindres détails (13) méritent qu’on les examine de près. Il est riche en allusions, en symboles que nous autres, profanes, ne percevons qu’à peine, bien imparfaitement, mais que nous recevons avec respect et humilité.

C’est assurément des temps très lointains que nous vient la légende de la vierge noire. Celle aussi de la poule en or qu’on aimerait pouvoir retrouver, enterrée dans la cave, groupant autour d’elle ses douze poussins d’or. Parce  que ce sont sur les lieux privilégiés que sont nées les légendes.

Notre manoir, bati en un de ces lieux en a hérité la richesse mystérieuse et sacrée.

Plus récemment, la croyance populaire l’a doté de quatre souterrains. L’un d’eux rejoindrait l’ancien chateau de Chappes en passant sous la Seine. On reconnaitrait l’aboutissement d’un autre dans la crypte qui est creusée en notre église sous l’autel de la Vierge.

Il est vrai que trois ouvertures conduisant à trois caveaux, creusées sous trois des tourelles d’angle, existent bien dans le sous-sol du manoir. Trois seulement, l’une à l’est, la seconde au sud et la troisième à l’ouest. En ne creusant que les fondations de trois tourelles, nos compagnons n’ont-ils pas voulu honorer les trois fondateurs qu’ils reconnaissent pour être à l'origine de leur mouvement ?

Il est curieux qu’ils aient privilégié les trois tourelles qui regardent (spirituellement) : la première le soleil levant, la seconde le soleil au zénith et la dernière, ce même soleil avant sa disparition, à la tombée de la nuit.

Et même en notre église.

Mais notre pensée vagabonde. Peut-être beaucoup trop. Nous sommes heureux cependant de nous sentir ainsi proches de ceux qui ont bâti notre manoir et notre église.

Car il faudrait aussi nous arrêter à l’église Saint-Martin. Juste un moment.

Devant le portail encadré par deux croix en forme de tau qui dominent l’ensemble de la façade. Devant ce signe qui se compose d’une ligne horizontale, du milieu de laquelle tombe une perpendiculaire, les Compagnons reconnaissent-ils qu’ils se trouvent en terre d’élection ? Une terre sur laquelle les leurs ont beaucoup donné.

Mais vous-mêmes, anciens Compagnons qui avez élevé notre manoir et notre église de Rumilly, en avez-vous perçu tous les secrets ? Ou bien n’avez-vous fait qu’exécuter, sans tout saisir du profond des choses ?

Un peu comme nous-mêmes qui nous contentons d’effleurer et de supputer.