Le Saussinet n°72

Juillet 2017

10260 - Rumilly-lés-Vaudes

Les Goncourt

à Rumilly lés Vaudes

5°partie

 

...

Tout aussi réel ce procès évoqué au sujet de la grande forêt de Rumilly, dont les éléments figurent déjà dans les cahiers de doléances, un procès qui débute en 1791, et ne verra son aboutissement qu’en 1850. (Jugement du tribunal de Bar en date du 6 août 1850.)

M. Jousseau dit à l’un Vraiment, et à l’autre Possible. Il brode toujours. Il ajoute :

 -J’irai à Paris, le mois prochain, et il répète

- J’irai à Paris.

De la cuisine, une voix aigre s’échappe

- A Paris ? y pensez-vous Monsieur ? J’ai cinquante dindons à élever cette année ! Vous allez, comme ça me laisser seule ?”

L’auteur insiste. L’occasion est trop belle. Il faut que le lecteur comprenne ce que parler veut dire. Et c’est la vérité que ce parler.

Tous les éléments sont là, qui sont effectivement de la vie rurale du milieu du XIXème siècle.

scène de vie campagnarde au XIX°

“Après souper, quand c’est l’hiver, Azélie a mis de l’huile dans le bureton. M. Jousseau le prend à la main. Azélie marche avec ses sabots dans la nuit noire. Elle porte un rouet et une quenouille chargée.

M. Jousseau marche après Azélie, se garant des pierres et du ruisseau du fumier de la ferme. Les voilà arrivés, lui et elle, à la veillée des femmes ; tous les rouets sont en jeu.

Quand les commères le voient :

- Monsieur Jousseau, mon dernier a une foulure.

-Il faut une omelette aux cloportes dit M. Jousseau, je vous ferai l’ordonnance.

Il s’arrange à son rouet.

- Monsieur Jousseau, mon homme a son rhumatisme.

- Bonne femme, c’est qu’il ne porte plus les trois marrons que je lui ai dit de porter dans la poche de son pantalon.”

Curieuses recettes mais dont la dernière était encore conseillée, à Rumilly, dans les années 1970.

Qui donc est réellement ce maire, qui semble accepté et même compris de ses administrés, et se mêle si parfaitement à la vie commune ? Rien ne lui est épargné.

“Méprise du créateur que cette cervelle femelle logée dans cette caricature de mâle ? Cervelle coulée au moule des gynécées, engouée de chiffons, manoeuvrant toute la machine solide de ce corps ridicule aux petits travaux des Arachnés” (Nos Anciens avaient un mot patois pour ces travaux de femmes ; ils les appelaient les bassos.)

Homme-femme, ayant pour ambition depuis trente ans d’aller à Paris pour caresser de l’oeil les belles robes, les beaux bonnets, et les petits brodequins ! Et les paysans lui pardonnent à ce maire enjuponné, fiers de vous montrer l’écriture calligraphiée de ses grotesques ordonnances médicales.”

Comme la mesure n’est pas comble, la nouvelle insiste :

“La veillée est finie. Il est rentré chez lui. Il est dans son lit, M.Jousseau... Il tripote dans ses longs et grands doigts noueux quelque chose et le retourne et le façonne comme une mère habille son enfant... C’est long ce qu’il fait ; il s’impatiente ; il prend une épingle sur la table de nuit, se pique. Il bougonne sourdement.

Cela avance. il sifflote un petit air. Il lui faut maintenant ses deux mains; il met son épingle entre ses dents. Là, voilà qui est fini. Il fait sauter cela sur son séant, regarde et donne encore un coup de main ici et là. C’est sa poupée qu’il vient d’habiller.”

tourelle du manoir

 

 


Retrouvez  le SAUSSINET

au Café-Restaurant du Manoir à Rumilly-lés-Vaudes