Le Saussinet n°73

Août 2017

10260 - Rumilly-lés-Vaudes

Les Goncourt

à Rumilly lés Vaudes

6°partie

 

Mardi gras.

Et c’est après qu’une grande caisse est arrivée de Paris, dont le contenu n’est connu que du destinataire, (pas même d’Azélie) que : “A midi, le mardi gras, quand Monsieur Jousseau passe en son cabriolet d’osier, devant le portail de l’église".

Devant le portail de l’église, le saint Martin sous son dais festonné ajusté aux meneaux lève son petit bras de pierre et met sa main devant ses yeux, en auvent pour mieux voir. Les figurines qui vient (Comme c’est joliment dit) à chaque jambage, perchés sur une colonne torse, dans un habitacle clochetonné, se penchent et se dressent sur la pointe du pied et s’avancent. L’ange, à droite qui porte un beau lis à la main s’oublie, curieux et, grimpé jusqu’au haut des accolades, s’accoude sur les armes de France, laissant ses voisins en mauvaise position et mal en point pour voir. Petit à petit les saints s’essaient tous à déranger de la tête les couches de glace réunies en grappes qui pendent à leurs petites couronnes sculptées. Le soleil, jusque là endormi dans son lit de nuages gris, s’éveille et met une mouche d’or au nez de la Vierge qui fait vis à vis à l’ange de l’Annonciation, les yeux baissés.

Voilà que la jolie Vierge lève elle aussi, pour regarder, ses paupières de pierre toutes noircies des larmes de la pluie d’hiver.

La grande rose à six feuilles en coeur resplendit comme une prunelle de cyclope dilatée et les monstres des gouttières, et les apôtres qui demeurent contre les contreforts sont tout éjouis et remuants d’aise d’avoir les plus hautes et les meilleures places tant elle est curieuse, unique et merveilleuse la chose à voir.

Même, comme les portes sont ouvertes, du fond de l’église, les personnages du retable, les soldats juifs et les saintes femmes tâchent de jeter un coup d’oeil par-dessus les chandeliers d’argent de l’autel, et les deux larrons quasi morts retrouvent un regard pour ce spectacle étrange : M. Jousseau, monsieur le Maire, dans son cabriolet d’osier, défile devant l’église, costumé en odalisque”.

Il est vrai que c’était le mardi gras. Pourquoi M. Jousseau, quoique maire, n’aurait-il pas cru bon de porter le costume d’une esclave turque ? Tout est permis, un jour de Carnaval. D’autant plus que l’auteur nous donne l’occasion, si bellement et de manière bien curieuse aussi, de redécouvrir les personnages de l’église de Rumilly.

Ô Jean Colet ! Que le prêtre de l’époque ait pu s’étonner ? rien d’impensable.

Aussi l’auteur lui a-t-il laissé le dernier mot.

“Le curé, qui a lu la chronique du pays, disait sur le pas du presbytère :

- Ô Jean Colet, vous qui élevâtes notre église de Rumilly, si belle qu’un Monsieur de Paris est venu la dessiner l’autre année et que le préfet l’a regardée l’autre jour ! Vous qui l’élevâtes, pieux Jean Colet, chanoine et official de Troyes, par trente quatre ans de quêtes patientes au travers des contrées chrétiennes, architecte de charité ne serait-ce pas votre méchant petit frère Claude, (Claude était poète et non ecclésiastique)

Claude qui, pendant que vous faisiez, armé de votre aumônière (et de la bulle d’indulgences que son frère Jacques s’en fut chercher à Rome en 1493). Pendant que vous faisiez, armé de votre aumônière, croisade pour conquérir cette belle maison de Dieu, crayonnait sur tous les murs un grand enfer, écrivant au-dessous, le mécréant : En ce palud et horrible manoir. (C’était l’enfer). N’est cordelier ni moine blanc ou noir (On n’y voyait pas de religieux, de quelque ordre que ce soit). On s’en estonne et le peintre respons :

- Si, il y en a, mais on ne peut les voir. Parce qu’ils sont mussez au plus profond. (On les avait cachés tout au fond, là où les flammes du feu de l’enfer sont les plus mauvaises)... ne serait-ce pas, ô pieux Jean Colet, votre méchant malin de frère qui revient instant de l’Ile des Hermaphrodites en guenon habillée, pour distraire et mettre en émeute les saints, les saintes, la Vierge et les anges et les éveiller de leur rêve de paradis et faire les cornes à votre pauvre âme trépassée, dites, ô Jean Colet ?”

Imaginaire est cette nouvelle, pleine de fantaisie, mais combien  réjouissante dans son réalisme romancé, pour Rumilly, un village que Jules et Edmond Huot, ont connu grâce à leurs cousins Labillle, il y a de cela plus de cent ans.

Et pour conclure “A la manière de nos deux écrivains” :

Ô vous, Jules et Edmond,

Qui aimâtes si fort le village de Rumilly,

Dans votre au-delà,

N’êtes-vous pas aujourd’hui, vous aussi, mussés

En l’un des caveaux du manoir ?

Dites-nous, ô vous !

Jules et Edmond de Goncourt .

 


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au Café-Restaurant du Manoir à Rumilly-lés-Vaudes

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