Le Saussinet n°76

Novembre 2017

10260 - Rumilly-lés-Vaudes

De la croix de Jérusalem et de la croix patriarcale au tau de Jean Colet

Partie I

 

La croix de Lorraine, nous dit Pierre-Eugène-Alexandre Marot dans sa brillante et très complète étude sur le symbolisme de la croix double, a été le signe distinctif des troupes du duc de Lorraine René II à la bataille de Nancy de 1477” au cours de laquelle Charles le Téméraire trouva la mort. “C’est l'événement décisif qui a donné à la croix double sa popularité chez les Lorrains” affirme-t-il.

René II avait hérité cette croix patriarcale de son grand-père René d’Anjou qui fut lui aussi duc de Lorraine de 1431 à 1450, une croix qui, en pays angevin avait été adoptée dès 1244 et qui y était vénérée “sous l’aspect d’un reliquaire de la vraie croix” venu d’Orient.

 

Croix de Lorraine

 

Armoiries de Pierre Pion

 

 

Il se trouve que René était, entre autres, roi de Jérusalem. Il était donc normal qu’il eût grand respect pour des reliques venues de Constantinople, reliques accompagnées d’un symbole reconnu et utilisé par les artistes byzantins et pour lesquels artistes il était devenu l’insigne de la dignité patriarcale.

D’où le nom de croix patriarcale donné à ce signe, beaucoup plus facilement que : croix d’Anjou.

C’est cette croix patriarcale à double branche qui figure dans les armoiries de Pierre Pion, boucher troyen qui fit édifier le manoir des Tourelles de Rumilly-lés-Vaudes, armes qui se lisent ainsi ; “D’azur à la croix patriarcale d’or accompagnée en chef à dextre d’une étoile d’or”.

Héritier de la Maison d’Anjou, René était donc aussi, toujours par héritage, roi de Jérusalem. C’est la raison pour laquelle figurait sur son écu la croix potencée “qui constituait les armoiries du royaume latin de Jérusalem telles qu’elles furent fixées et portées par les successeurs de Charles Ier d’Anjou” son ancêtre.

Gatinais-Anjou

 

Tout ainsi et facilement, René put tout à la fois reconnaître et honorer ces deux emblèmes si intimement liés, en un même esprit et un même symbole.

Pierre Pion.

A Rumilly, comme par hasard , ces deux croix sont magnifiées en notre manoir : une première dans la pierre d’un chapiteau et sur le pilier central de la voûte de l’escalier, l’autre sur une poutre de chêne du plafond au rez-de-chaussée.

Croix de Jérusalem en haut de l’escalier

 

La croix de Jérusalem du chapiteau est fort mutilée, presque méconnaissable tant le burin prédateur l’a consciencieusement attaquée (On a cru longtemps que c’était à la Révolution que disparurent les croix et les fleurs de lis du manoir. En fait il semble que ce fût plutôt la loi de Séparation des églises et de l'Etat (1905) qui fut cause qu’elles furent mutilées.).

On distingue encore fort bien cette croix quand on en connaît l’existence, “cantonnée de croisettes” au deuxième pilier ouest de la galerie sud.

Pierre Pion était chevalier du Saint Sépulcre. Sur l’une des deux verrières qu’il a offertes à la cathédrale de Troyes, sur celle du transept sud (De l’autre fenêtre, située dans une chapelle sud, il ne reste que ses armoiries), il est représenté vêtu d’un manteau semé de croix potencées. En 1528, il était en Terre sainte, à Jérusalem.

Verrière de Pierre Pion, transept de la cathédrale de Troyes

 


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