Le Saussinet n°77

Décembre 2017

10260 - Rumilly-lés-Vaudes

De la croix de Jérusalem et de la croix patriarcale au tau de Jean Colet

Partie II

Rien d’étonnant donc à ce que la croix de Jérusalem figurât en bonne place dans le manoir qu’il faisait construire à Rumilly. Et rien d’étonnant encore à ce qu’il ait choisi la croix double pour pièce principale de ses armoiries, lesquelles trônent en la partie centrale de cette très belle poutre du rez-de-chaussée de ce même manoir.

“La croix double, dit encore Marot, est à l’image de la vraie croix”. Cet auteur affirme, preuves à l’appui, que dès le XIIIème siècle, on considérait que la traverse inférieure de cette croix était bien celle qui avait reçu les bras du Christ alors que la seconde, de moindre importance, était réservée pour le titulus : Jésus de Nazareth, roi des Juifs.

 

De la croix à deux branches à celle en forme de T.

Cette croix, dit encore Pierre-Eugène Marot devint “avec la bataille de Nancy, le symbole de la résistance et de l’espoir”, résistance aux vues hégémoniques du duc de Bourgogne puis plus tard, résistance des Lorrains après la défaite de 1870 et encore, après 1940, résistance à l’occupation allemande. Un symbole connu de tous, ayant acquis une telle force que l’amiral Muselier le choisit, le 29 juin 1940, tandis qu’il était au large de l’embouchure du Tage et le donna le 2 juillet comme signe de ralliement aux forces navales et aériennes qui étaient sous son commandement, l’opposant ainsi fermement à la croix gammée. Pour peu que nous revenions quelques années plus tôt, nous apprenons de Pierre-Eugène Marot que le fils de René II “mena (la guerre) contre les partisans luthériens d’Alsace...

Quiconque ne portait pas le signe du thau renforcé sur leur habillement, devant et derrière, (était) de prinze et désigné de mort par bonne guerre et droit de bataille”.

Le tau (simple) est une croix qui ne comporte pas de barre verticale supérieure

Elle est en forme de T et ne peut donc supporter l’inscription : Ihs Na Rex Jud qui, d’ordinaire surmonte la croix.

Ce sont de telles croix en tau qui encadrent le portail de Rumilly. C’est une croix en tau que porte le Christ au bas du retable et les croix des larrons, sur ce même retable, sont de même en tau.

Quelle est donc la raison de la présence de ces croix de facture inhabituelle dans l’iconographie religieuse ? L’explication la plus plausible jusqu’à présent consistait à dire - et même à affirmer - qu’il s’agissait là d’un signe que les Compagnons avaient laissé pour preuve de leur participation aux travaux de construction de l’église de Jean Colet.

L’étude de Pierre-Eugène Marot nous permet d’émettre une autre hypothèse. Pourquoi en effet ne pas imaginer que les “inventeurs” de cet exceptionnel emblème, Compagnons ou autres, n’aient pas sciemment cherché à ce que n’existe plus ce titulus qui se voulait infamant pour le Christ. Supprimée la traverse supérieure, supprimé le dépassement vertical de la croix, la mention déshonorante disparaissait de fait.

(Il est actuellement admis que le Christ n’a eu à porter que la partie horizontale de sa croix qui aurait été fixée ensuite sur le pieu vertical déjà dressé sur le lieu de la crucifixion. De ce fait la croix en tau serait la vraie forme de la croix du Christ.)

Quelle valeur que puisse avoir notre “remarque”, elle nous aura permis de tenter une liaison - peut-être imaginaire mais suffisante croyons-nous - entre la symbolique de la croix de Jérusalem, celle de la croix patriarcale et cette croix en tau, toutes trois présentes à Rumilly. Elle nous aura donné une nouvelle occasion d’attirer sur elles l’attention de nos lecteurs et des visiteurs de notre beau village.

Pierre Eugène Alexandre Marot, né le 15 décembre 1900 à  Neufchâteau (Vosges) et mort le 28 ... Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

 


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